SNANC : un blocage gouvernemental qui met en péril une transition alimentaire devenue urgente

  • Plaidoyer
La Stratégie Nationale pour l’Alimentation, la Nutrition et le Climat (SNANC) devait enfin être publiée ce vendredi 28 novembre, après plus de deux ans de retard sur le calendrier fixé par la loi dite Climat et Résilience. Malgré un brief presse déjà effectué et une version transmise à l’AFP, sa publication a été brutalement gelée en raison d’un blocage de dernière minute.
SNANC lettre ouverte 117

Selon les informations publiées par la presse, Matignon affirme que « le Premier ministre n’ayant été ni informé ni ayant validé la stratégie, il est décidé de ne pas la publier ». Sébastien Lecornu pouvait-il ignorer le contenu d’une stratégie déjà validée par trois de ses ministres ? Ce retrait relève-t-il de nouvelles tensions entre les cabinets des ministères de l’Agriculture, de la Santé et de la Transition écologique ? Les raisons précises de ce blocage restent inconnues, mais pourraient être liées à l’un des volets les plus structurants de la stratégie : l’objectif de réduction de la consommation de viande et de charcuterie.

Ce revirement de situation est aussi incompréhensible qu’inacceptable. Alors que l’urgence écologique, sanitaire et sociale n’a jamais été aussi forte, le gouvernement se refuse de publier une stratégie pourtant travaillée depuis plus de deux ans, co-construite par trois ministères, nourrie des avis des plus hautes instances scientifiques françaises et ayant reçu plus de 4 000 contributions dans le cadre de la consultation publique. Ce processus rigoureux et les fortes attentes de la société civile laissaient espérer une stratégie à la hauteur de l’enjeu : garantir une alimentation saine, durable et accessible, réduire l’impact du système alimentaire sur le climat et la biodiversité, améliorer la santé publique et soutenir la souveraineté alimentaire. Or ces enjeux ne relèvent pas de concepts abstraits : ils percutent directement la vie des Français — explosion des maladies chroniques et impasse budgétaire pour la Sécurité sociale, fragilisation de la filière agro-alimentaire, conditions de travail dégradées pour les agriculteurs, précarité alimentaire qui explose. Il est temps que le politique en prenne la pleine mesure.

Le blocage de dernière minute vient s’ajouter à deux années de retard et témoigne d’une incapacité persistante à affronter les défis du système alimentaire. Chaque mois de retard dans la publication de la SNANC a un coût : un coût écologique, un coût sanitaire et un coût social. À l’heure où l’alimentation est directement responsable d’une part majeure des émissions de gaz à effet de serre, est un déterminant majeur dans l’épidémie de maladies chroniques et un facteur de l’érosion de la biodiversité, repousser encore la publication de la SNANC relève de l’irresponsabilité publique.

Il est d’autant plus scandaleux d’observer que ce blocage intervient alors même que les institutions scientifiques convergent sur les mesures prioritaires à mettre en œuvre : réduction de la consommation de viande, régulation stricte de la publicité pour les aliments ultra-transformés destinés aux enfants et adolescents, amélioration de l’accès à une alimentation saine pour les ménages les plus précaires… Ignorer ces recommandations, ou empêcher leur traduction dans une stratégie nationale, revient à céder aux pressions de certains lobbies agro-industriels au détriment de l’intérêt général.

L’État ne peut plus se permettre de différer indéfiniment une stratégie aussi fondamentale. Les dépenses publiques liées aux conséquences environnementales et sanitaires de notre système alimentaire atteignent déjà 19 milliards d’euros par an : une aberration économique autant qu’un non-sens écologique. ALTAA relaie l’appel renouvelé de la société civile à la publication immédiate de la SNANC. La société civile restera pleinement vigilante pour que ce blocage soit levé au plus vite et pour que les ambitions de la SNANC ne soient ni édulcorées ni sacrifiées.